CRITIQUES
Sex Education : Eric Effiong
La série de Netflix donne à voir l’une des représentations les plus réussies d’un afropéen. Eric Effiong est un subtil mélange d’authenticité et d’excentricité.
publié le 24 avril 2020
Il arrive parfois dans une série qu’un personnage secondaire éclipse le protagoniste principal. C’est un peu ce qu’il s’est passé avec Eric Effiong, dans Sex Education. La série suit les découvertes sensuelles d’un groupe d’adolescents anglais dans le décor splendide d’un Pays de Galles estival (croyez-moi, l’Angleterre ne ressemble pas toujours à cela).
Il y a Otis, fils d’un sexologue, qui se prétend expert ès sexualité dans son lycée. Il prodigue des conseils à ses camarades dans les toilettes désaffectées du lycée en échange de quelques billets. Maeve, brillante élève issue d’un milieu défavorisé est la complice et partenaire d’Otis dans ce cabinet de conseil d’un genre nouveau. Elle est secrètement amoureuse d’Otis mais ignore que ces sentiments sont réciproques.
Les autres personnages de la galaxie d’Otis sont tout aussi intéressants: Jackson Marchetti (le champion du lycée), Lily (amateur de space opéra et dessinatrice de BD érotiques à ses heures perdues), Aimée (l’ingénue) pour ne citer que ceux-là. Mais arrêtons-nous sur le personnage interprété par Ncuti Gatwa: Eric Effiong, énième réincarnation de l’archétype du meilleur ami gay et boute-en-train de la série.
Démystifier l'homosexualité
Eric a de la répartie et un sens de l’humour à toute épreuve. Son style vestimentaire est haut en couleur et son vocabulaire tout aussi flamboyant. Rien de nouveau sous le soleil pour un personnage identifié comme gay dans une série mainstream. Mais ce qu’Eric a en plus, c’est qu’il est fier de son identité contrairement à un autre personnage.
Les scénaristes de Sex Education ont su mettre en lumière de manière subtile et efficace les problématiques tels le harcèlement scolaire et les agressions homophobes auxquels sont parfois confrontés les jeunes LGBTQ+ dans la société.
Sex Education contribue à démystifier l’homosexualité par des postures ou des comportements qu’emprunte Eric, et qui sont perçues comme « embarrassantes » car traditionnellement dévolues à des personnages féminins. Plus d’une fois, le spectateur cisgenre, issu d’un milieu conservateur que je suis, a ressenti toutes sortes d’émotion devant Eric:
- en train de twerker
- en train de parler de ses aventures avec force détails
- maquillé et portant perruque et robe
Subtil hommage aux origines
En plus de la manière d’être assumée d’Eric, ce que j’ai surtout apprécié dans la construction du personnage, c’est que ses origines africaines ne sont qu’une facette parmi d’autres de son identité. Elles sont mises en valeur par petites touches sans jamais sombrer dans le déterminisme réducteur que l’on peut retrouver dans des séries plus datées.
Prenons l’exemple du costume de bal d’Eric dans la première saison. Quand je l’ai vu en tissu wax et arborant un gele comme si de rien n’était, j’ai failli tomber en pâmoison tant ce petit détail était à la fois un hommage subtil à l’élégance ouest-africaine et un accessoire improbable sur la tête d’un adolescent queer en Angleterre.
Noir et gay, le choc des identités?
Un autre exemple de la finesse narrative développée autour d’Eric réside dans la manière dont sa famille, pourtant chrétienne, a accepté son identité queer. Je ne vous cache pas que je m’attendais à ce que ce soit le contraire, qu’il ait une personnalité tout à fait différente dans le cercle familial. Je pensais, à tort, que la série allait suivre les traces du réalisateur Barry Jenkins et son Moonlight pour illustrer le rejet auquel les hommes noirs et gays sont confrontés dans leur communauté. Non seulement ce ne fut pas le cas mais Sex Education est en plus parvenu à asséner au monde entier une vérité que l’on ne voit pas assez à la télévision: les familles noires sont des familles comme les autres!
Di√ Score
Fiche technique
- Titre original : Sex Education
- Créateur : Laurie Nunn
- Distribution : Asa Butterfield, Emma Mackey, Gillian Anderson, Ncuti Gatwa
- Année : 2019
Ndeye Mane Sall
Spécialiste en Communication & Marketing Digital
Amateur de cinéma et de séries, je voulais partager mes derniers coups de coeur (ou pas) sur les productions et l’actualité de cette industrie.
J’avoue que je ne regarde pas les séries mais en lisant tes billets ça me donne un peu envie 😉
Je me demande si l’acteur est homo en vrai… sans chercher dans google haha. Tu en pense quoi ?
Bonne question! Peut être qu’il est juste un très bon acteur 😉
Tu devrais regarder Atypical et nous donner ton avis dessus sur La Vie en bleu!!
J’adore Eric! J’aime son côté excentrique et « soyons celui que nous voulons être ». Merci pour ton analyse qui donne un autre regard intéressant sur le personnage.
Merci Johanna!
Atypical, oui vraiment faudrait que je trouve le temps… on m’en parle depuis un moment de cette serie…
Une des rares séries de Netflix où je n’ai pas eu l’impression de perdre mon temps…
Effectivement, tu donnes envie de regarder cette série… les autres aussi, notamment The Sessions qui semble passionnant !